Monastère des dominicaines de Lourdes

 

Présentation du Seigneur

Lecture

La Présentation de Jésus au Temple
La prophétie de Syméon

Lorsque Marie et Joseph viennent présenter l’enfant Jésus au Temple, Syméon reconnaît en lui, sous l’action de l’Esprit, le Messie, le Sauveur ; et il bénit Dieu, en chantant dans un cantique son émerveillement devant le don qu’il lui est donné de contempler. Les parents de l’enfant sont à leur tour émerveillés de ce qu’ils entendent : Jésus, salut de Dieu, lumière des nations, gloire de son peuple.
Syméon bénit ensuite Marie et Joseph, puis il explicite, non plus sous forme de cantique, mais dans une prophétie, le chemin par lequel se réaliseront les merveilles qu’il vient d’annoncer :

Son père et sa mère étaient dans l’émerveillement de ce qui se disait de Jésus. Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère : « Vois ! cet enfant est placé pour amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël et pour être un signe en butte à la contradiction, et toi-même, un glaive te transpercera l’âme ! — afin que se révèlent les pensées intimes d’un grand nombre » (Lc 2, 33-35).

Méditation

« Cet enfant est placé “pour” »

Par deux fois, Syméon indique, à l’aide de la préposition « pour », comment se manifestera l’œuvre que Jésus est appelé à réaliser. Etrange mission que d’avoir à apporter aux uns la chute et aux autres le relèvement, et de susciter la contradiction. Elle soulève bien des questions. La destinée de Jésus serait-elle sous le signe de l’obligation ? serait-elle écrite d’avance ? Et Dieu aurait-il prédestiné les uns à la chute et les autres au relèvement ? Et le Père aurait-il décidé que son Fils souffrirait ?
Quelle est donc cette obligation à laquelle le Père soumet son Fils ? Nous sommes renvoyés au mystère de sa volonté. Les questions posées montrent qu’inconsciemment, la volonté de Dieu est perçue comme une décision arbitraire qui s’abattrait sur nous de l’extérieur et à laquelle nous aurions à nous soumettre malgré nous. Comment concilier cela avec le désir de bonheur de Dieu pour l’homme ?
Nous allons prêter l’oreille à la voix de Dieu qui éclaire, au fond de notre cœur, les paroles de Syméon.

« Comment peux-tu douter que je veuille autre chose que ton bonheur ? nous dit le Père. Je t’ai tout donné pour que tu sois heureux. J’ai fait de toi mon fils, à l’image de mon Fils unique. J’attends de toi une seule chose : que tu reçoives cette filiation dans la joie, qu’elle soit pour toi source d’une grande communion d’amour. J’attends que tu me donnes amour pour amour, dans la joie d’un don de toi entièrement libre. Et mon Esprit est prêt d’ailleurs à déverser en surabondance dans ton cœur son amour pour que tu puisses m’aimer.
Est-ce que j’ai voulu t’imposer quoi que ce soit par la contrainte ? Comment peux-tu penser que ma volonté puisse être rivale de la tienne et la forcer de l’extérieur, pour la soumettre ? Et si je ne veux pour toi que le bonheur, comment peux-tu penser que je veuille la souffrance pour mon Fils ?
« Mais je connais ta fragilité, nous dit encore le Père : que fais-tu de la liberté que je t’ai donnée pour que tu sois à mon image ? Où est ton amour ? Depuis toujours, dans mon éternel présent, je connais le don que je t’ai fait et je sais que tu cherches à le retourner contre moi : n’est-ce pas pour cela que tu me crains ? Tu crois que je suis comme toi. Mais mon amour est plus grand que tu ne le crois : non seulement j’ai voulu faire de toi mon fils, mais j’ai voulu aussi que mon Fils unique te remette sur la voie de l’amour après ta défaillance. L’amour que j’ai pour lui et l’amour qu’il a pour moi : c’est un seul amour. Et cet amour l’a poussé à voler à ton secours pour te crier de revenir sur le chemin du bonheur ; voilà pourquoi il est présenté dans le Temple, voilà pourquoi Syméon laisse éclater sa joie en le voyant, petit enfant, dans les bras de Marie. Mais je sais que beaucoup le rejetteront ; dans leur orgueil ils se détourneront de lui, ils mépriseront sa faiblesse. Son amour qui se donne dans la faiblesse ne peut qu’être refusé par les cœurs endurcis dans le péché, fermés à l’amour ; mais il sera accueilli par les pauvres. Voilà pourquoi il “doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël”. Il ne peut pas en être autrement, car il ne force personne à rendre amour pour amour. Que dirais-tu d’un père qui oblige ses enfants à l’aimer par la force ? Si tu ne veux pas aimer par contrainte, alors comprends que la lumière de l’amour “doit” mettre chacun face à sa liberté.
« La présentation de l’enfant dans le Temple annonce déjà jusqu’où doit aller l’amour de mon Fils : s’offrir en sacrifice, verser son sang, comme un agneau.
« Pourquoi le sang ? Encore une fois, je n’impose pas ma grâce par une puissance contraignante, je la propose en disant : Si tu veux. C’est parce que je respecte ta liberté, que mon Fils vient te proposer le salut, la vie divine, dans une sorte d’impuissance : il ne te l’impose pas. Il vient vivre l’amour qu’il a pour toi, pour vous tous, dans votre monde marqué par le péché, la mort et l’égoïsme. Il en accepte donc aussi d’avance la contrepartie : le refus le plus violent qui soit, la souffrance et la mise à mort.
« Il vous montre non seulement comment être fils, mais encore comment la grâce filiale se vit dans le monde de péché où vous êtes : il vous montre ce chemin en le prenant le premier. Voilà pourquoi je vous le donne comme un Agneau qui verse son sang. C’est tout cela que Syméon annonce dans sa prophétie. Ce n’est pas autre chose que la réalisation de mon dessein bienveillant conçu de toute éternité. »

« et toi-même, un glaive te transpercera l’âme »

Syméon a prophétisé ce que serait la mission de l’enfant que Joseph et Marie présentent dans le Temple : il aura en particulier à souffrir la contradiction. Mais sa mère, elle aussi, sera atteinte par la douleur. C’est ce que lui est annoncé : « et toi-même, un glaive te transpercera l’âme ».
Les paroles et les actions de Jésus ne laisseront personne indifférent. Chez beaucoup, elles susciteront une réaction de rejet ; en Marie, elles provoqueront une grande souffrance. Comme un glaive à deux tranchants, la parole de son fils pénétrera « jusqu’au point de division de son âme et de son esprit », selon ce que dit l’Epître aux Hébreux (cf. He 4,12). Cette parole ressemble à un glaive, et Marie en sera transpercée tout au long de sa vie : tout d’abord lorsqu’elle retrouvera son fils dans le Temple, après trois jours de recherche ; mais aussi pendant la vie publique de Jésus. Les trois annonces de la Passion seront peut-être les paroles qui transperceront le plus profondément son cœur. Une foi totale, une confiance sans borne, seront l’unique réponse qui jaillira de son cœur transpercé. La parole de Jésus mettra ainsi à nu le plus intime de son cœur, « elle jugera les sentiments et les pensées de son cœur » (cf. ibid.), ce qui est bien le but de la mission du Seigneur, comme nous allons le voir. Pour Marie, son fils n’a pas été un signe de contradiction, mais la source d’une douleur compatissante.

« afin que se révèlent les pensées intimes d’un grand nombre »

La mission de Jésus, avec les deux facettes annoncées par Syméon — chute et relèvement de beaucoup d’une part, signe de contradiction d’autre part —, a un but : révéler les pensées intimes des cœurs. Pendant toute sa vie, Jésus confrontera ses auditeurs à la vérité qui illumine leurs ténèbres, à la beauté de l’amour infini qui les attire, au pardon qui fait connaître le péché et fait jaillir la componction, à la miséricorde pour les pécheurs, à l’amour des pauvres, des petits, des méprisés. C’est pourquoi il posera question.
Devant lui, ceux qui savent, ceux qui se croient justes, auront du mal à quitter leur monde étriqué, leur conception humaine de la justice, le Dieu fait à leur image. Ils s’opposeront donc à lui pour le faire taire, pour ne pas être dérangés. D’où vient-il ? Où a-t-il appris la vraie science ? Sur quoi fonde-t-il ses prétentions ? Quelles sont ses relations ? Qui lui a donné qualification pour changer les coutumes héritées des Pères ? S’il veut être écouté, qu’il commence par remplir les critères qui ont cours dans le monde des hommes bien pensants. Paradoxalement, l’enfant annoncé comme la gloire d’Israël sera rejeté par Israël.
Pour la plupart, l’incompréhension sera totale, car Jésus parle d’auprès du Père alors que ses interlocuteurs raisonnent d’après le monde. Comment l’envoyé du Père pourrait-il ne pas susciter la contradiction lorsqu’il est immergé dans un monde pécheur ? Seule l’humilité peut l’accueillir. Jésus sera un signe qui dévoile l’orgueil ou l’humilité du cœur, c’est-à-dire la source des pensées, la source des actes.
Syméon parle du peuple d’Israël, mais nous aussi, nous sommes dans l’illusion : nous pensons connaître le Seigneur, l’aimer et lui être fidèles, alors que nous vivons à la surface de nous-mêmes, dans la dispersion. Cela, jusqu’au jour où un événement, une parole, une personne se présente, qui devient signe : signe d’une profondeur insoupçonnée jusque-là, signe d’un amour sans limite, signe d’une lumière qui éblouit, signe qui dérange le monde que l’on s’est construit. Signe, car réalité qui renvoie à une autre réalité qu’elle dévoile.
Que faisons-nous devant un signe qui nous bouscule ? Fermons-nous nos yeux et notre cœur, ou changeons-nous notre vie en accueillant la vérité qui nous est montrée ?
Encore aujourd’hui, Jésus vient donc à nous dans la faiblesse, désarmé, mais une lumière émane de lui. Cette lumière, la lumière de l’amour, perce le secret de nos cœurs, dévoile nos pensées intimes. Lui seul nous connaît, et en se faisant connaître, il nous donne de participer à la connaissance qu’il a de nous pour nous inviter à la conversion.

Prière

Que la Vierge Marie, Mère de la Lumière, aide tous ses enfants à ouvrir les yeux aux signes de Dieu dans leur vie.

 

Contemplation

Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce,
le Seigneur est avec toi,
tu es bénie entre toutes les femmes
et béni le fruit de ton sein,
Jésus,
- petit enfant présenté au Temple
- Messie du Seigneur
- offrande au Père
- soumis à la Loi
- notre salut
- Lumière des nations
- gloire d’Israël
- occasion de chute ou de relèvement
- signe en butte à la contradiction
- glaive qui transperce ton cœur
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort
AMEN.

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